Derniers tests et mise en œuvre du traitement de restauration
Toute une série d’expérimentations nous ont permis de choisir une méthode efficace et contrôlée pour le nettoyage du ternissement des plaques de la châsse de Nantelme. L’efficacité de différents produits (appelés complexants) a pu être testé par des essais sur des coupons métalliques ternis artificiellement (https://opusagaunum.ch/experimenter-des-methodes-de-traitement-des-poules-du-gel-et-des-coupons-ternis/ ) tandis que le type de gel et sa préparation ont été testés sur une plaque gravée (https://opusagaunum.ch/experimenter-des-methodes-de-traitement-du-gel-du-rose-et-du-peeling/ ). Cette méthodologie d’essais préliminaires a un double intérêt. Pour commencer, elle nous permet de choisir un produit adapté sans toucher à l’objet et donc éviter des effets indésirables. Deuxièmement, ces essais nous aident à mieux maitriser la préparation et la mise en œuvre pratique en prévision du traitement.
Une première application de gel sans agent actif a été réalisé. Cela nous a permis d’ajuster la mise en œuvre du traitement en surélevant les plaques et en protégeant leurs revers avec une bande adhésive pour éviter que le gel ne se glisse sous la plaque et ne tâche le revers.
La corrosion que l’on peut créer artificiellement sur coupons n’est jamais identique à celle que l’on retrouve sur les objets du patrimoine. Par exemple, les alliages métalliques disponibles sur le marché sont normés et plus pur aujourd’hui qu’à l’époque médiévale. Les étapes de mise en forme du métal pour fabriquer un objet vont aussi modifier la structure interne (métallographie) et les éléments métalliques en surfaces (enrichissement). Pour terminer ou ajoutera la cinétique de corrosion puisque les produits de corrosion créée artificiellement en quelques heures ne sont pas forcément les même qu’une corrosion se développant sur plusieurs années, voire plusieurs siècles. Les essais sur coupons sont donc un indicateur pour comparer des produits et limiter les variables, mais une validation sur l’objet est essentielle pour choisir le produit le plus indiqué. D’autant plus que dans le cas de la châsse de Nantelme, les plaques sont en cuivre, argentée au mercure, puis partiellement dorée. Autant dire qu’avec ce « sandwich », des différences sont attendues.
Les essais sur coupons avaient montré que les complexants préparés avec un pH alcalin permettaient de nettoyer une gamme plus grande de produits de corrosion. Nous avons donc conservé deux produits alcalins aux acronymes barbares : l’EDTA-Na4 et l’EDDS. Ce dernier est un produit récent avec des propriété similaires à l’EDTA mais biosourcé et biodégradable ce qui lui confère un avantage indéniable pour limiter l’impact écologique de nos traitements. Ces deux complexants ont donc été appliqué en gel sur l’objet et nous avons fait varier la concentration de l’agent actif, en testant le minimum encore efficace pour obtenir un nettoyage. Un traitement de conservation-restauration doit être aussi efficace que nécessaire mais son impact aussi minimal que possible. Si vous cherchiez la source de la phrase de notre ancien conseiller fédéral, Alain Berset, en temps de Covid ne cherchez pas plus loin.
Des gels d’EDTA-Na4 et d’EDDS à pH10 ont été préparés à différentes concentration puis testés sur l’objet. Si toutes les concentrations donnent des résultats équivalents, on constate que le pH de la plus faible concentration s’acidifie sensiblement, ce qui diminue son efficacité durant l’application. Au niveau du nettoyage, on constate qu’après 3-4 applications de 15 minutes, le nettoyage de la surface est excellent, mais il reste des points de corrosion noire dans les gravures. En multipliant les applications (jusqu’à 10x), en laissant les derniers gels plus longtemps (30min à 60min) et en brossant ensuite la surface, il est possible d’atténuer significativement ces tâches. Ces zones plus corrodées ne sont pas surprenantes et viennent du fait que l’argenture dans les gravures n’a pas été autant poli qu’en surface et est donc bien plus poreuse. Elle laisse donc le cuivre sous-jacent se diffuser plus facilement pour former une corrosion plus épaisse. À la fin de ces essais, une concentration de 0.1M a été retenue et nous avons préféré l’EDDS pour ses avantages écologiques.
Après tous ces essais, il est enfin possible d’appliquer le produit sur les 49 plaques et bordures qui compose la châsse de Nantelme. Durant l’application, le gel se colore en vert, ce qui témoigne de la complexation du cuivre dans le gel. On voit d’ailleurs très bien, que les zones planes et dorées sont très vite nettoyées tandis que les zones gravées continuent de se nettoyer malgré la succession des gels. La concentration du gel et le mode d’application (à chaud) donne entière satisfaction comme en témoigne la prise d’empreinte des gravures.
Entre chaque nettoyage, la surface est rincée et brossée sous eau déminéralisée. Pour une plaque il faut parfois jusqu’à 10 passages avec des temps d’application allant jusqu’à 60 minutes. Sur certaines plaques, comme celle du Christ crucifié, on distingue des zones rose-orangées. Cela s’explique très bien par des usures de l’argenture qui laisse entrevoir le cuivre sous-jacent. En effet, ce sont les zones qui sont préférentiellement touché par les fidèles comme ici le corps du Christ. Après nettoyage, la plaque retrouve son éclat argenté tout en conservant les traces de l’usage et du temps. Actuellement nous sommes en train de finaliser le nettoyage de l’ensemble des plaques qui seront remontée pendant la fermeture hivernale du trésor. La fin du travail et le retour des reliques est prévu pour le printemps 2025.