Une châsse digitale à étudier depuis son canapé

Une châsse digitale à étudier depuis son canapé

Modèles numériques de la châsse de l’abbé Nantelme en nuage de points (à gauche) et avec l’application de la texture (à droite)

Avant de commencer le démontage, la commission scientifique a suggéré de réaliser un modèle 3D de la châsse. Comme nous le verrons, l’idée est séduisante à plus d’un titre. Il existe toute une gamme de technique de numérisation d’objet, mais c’est la photogrammétrie qui était la plus adaptée ici. Cette technique consiste à prendre toute une série de photographies sous différents points de vue de l’objet dans le but de réaliser un modèle numérique en 3 dimensions. Le résultat est un nuage de points reliés entre eux par des surfaces en triangle. La texture des prises de vue est ensuite appliquée par un logiciel dédié pour obtenir une copie numérique à l’aspect de surface réaliste. Ce travail a été confié à l’entreprise Archéotech SA, basée à Épalinges. Spécialiste depuis plus de 40 ans des méthodes de documentation digitale comme les relevés techniques, la géo-information et la modélisation 2D et 3D.

Le photographe d’Archéotech SA pendant le travail de prises de vues au printemps 2022

La réalisation d’une copie numérique a plusieurs intérêts. Premièrement, il s’agit de créer un document qui va sauvegarder la châsse de l’abbé Nantelme dans son état avant restauration. Les volumes, les reliefs, la texture et les états de surfaces sont ainsi archivés. En tout temps, l’équipe de l’atelier de restauration pourra y revenir pour vérifier la position de chaque pièce, leurs déformations spécifiques et l’emplacement de certaines altérations. Le modèle digital étant calibré métriquement au 1/10e de mm, il est possible de mesurer toute sorte d’éléments pour étayer l’étude. On pourra par exemple comparer, au pixel prêt, les motifs décoratifs, les proportions des personnages et les traces de certains outils. Il y a un grand potentiel, mais il s’agira de poser les bonnes questions pour en tirer des réponses pertinentes.

L’interdisciplinarité est un enjeu primordial pour l’étude matérielle. Tout au long du projet, orfèvres, métallurgistes, historien.ne.s de l’art et bien d’autre vont participer à l’analyse du reliquaire. L’accès au modèle numérique permet de se représenter plus facilement l’objet dans son entier, alors que ses reliefs sont aujourd’hui démontés. Rien ne remplace l’objet, mais l’étude de l’iconographie sur un modèle 3D est plus conviviale et plus libre que sur des photographies. Qui plus est, cela peut se faire par plusieurs personnes simultanément depuis différents endroits. Nous nous attendons à générer toute une masse de données, que ce soient des observations visuelles, des photos de détail, des résultats d’analyses ou des rapports de spécialistes. Nous envisageons d’utiliser le modèle numérique comme support sémantique. Des chercheurs du monde entier pourront donc accéder aux observations et analyses brutes par un simple clic sur l’une des plaques, plutôt que de devoir parcourir quantité de dossiers et de rapports pour mettre la main sur de précieuses informations.

Détail du modèle 3D permettant de conserver une archive de la châsse avant restauration. On voit ici les déformations des plaques, l’absence de clous, et même l’état du bois visible sous les ornements.

Pour terminer et cela n’est pas négligeable, l’aspect pédagogique, voir ludique pour le public. La manipulation d’un modèle numérique nous rend acteur de la découverte de l’objet. L’attention sera captée plus facilement par un modèle 3D que par une photographie.

Il est temps pour vous de constater cela par vous-même en manipulant la châsse de l’abbé Nantlelme. Ah oui, et n’oubliez pas de regarder dessous. On oublie toujours de regarder dessous.

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