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Catégorie : Grande châsse de saint Maurice

Une commission d’experts locaux et internationaux pour épauler l’équipe d’Opus Agaunum

Une commission d’experts locaux et internationaux pour épauler l’équipe d’Opus Agaunum

À la fin du mois d’octobre, la commission scientifique du projet s’est retrouvée pour la deuxième fois autour de la Grande châsse de saint Maurice. Cette commission, composée de professionnels du patrimoine, se rassemble tous les six mois pour faire état de l’avancement des travaux. Chacun d’eux apporte une expertise spécifique à l’étude et la restauration d’objets d’orfèvrerie médiévale.

L’équipe d’Opus Agaunum a présenté son plan de travail pour la suite du projet. La commission a notamment validé la dépose de la totalité des reliefs en argent pour mettre à nu l’âme en bois. Cela permettra d’étudier la construction du coffre en bois ainsi que les revers des reliefs en argent. Ces derniers nous ayant déjà réservé quelques belles surprises, il n’est pas vain d’espérer trouver de nouveaux indices déterminants pour la compréhension de l’histoire de la Grande châsse de saint Maurice.

De gauche à droite – Sophie Guermann, Natania Girardin, Denise Witschard, Pierre Alain Mariaux, Claude Veuillet, Sophie Balace, Dorothee Kemper, Clemens Bayer, Gaëtan Cassina et Romain Jeanneret.

Les petits papiers de l’apôtre…

Les petits papiers de l’apôtre…

Lors de la dépose des deux plaques frontales, nous avons découvert quatre petites boulettes de papier au revers du relief représentant saint Paul. Ces papiers ont, selon toute vraisemblance, été placés lors de la restauration d’une déchirure constatée au niveau du cou de l’apôtre. En effet, on distingue sur la face du relief une importante brasure à l’étain. Nous ne connaissons pas la raison de ce déchirement, qui a pu se produire lors d’un accident survenu à  la châsse ou lors de la dépose de la plaque de son objet d’origine.

 

 

 

 

 

 

 

La découverte de ces quatre morceaux de papier pourrait aider à retracer l’histoire des restaurations de la Grande châsse de saint Maurice.

Il fallait tout d’abord déployer le papier sans le dégrader. Pour ce faire, ceux-ci ont été placés dans une chambre humide afin de réhydrater les fibres. Dès lors, il a été possible d’aplanir ces fragments et de les étudier. Si nous espérions découvrir une date ou un nom, nous devons nous contenter de fragments du bas d’une page d’un ouvrage indéterminé :

 

 

 

 

Nos recherches auprès des archives, bibliothèques chrétiennes et laïques ne nous ont pas permis de rapporter ces fragments à  un ouvrage particulier. Toutefois, les avis d’expert convergent et semblent indiquer que les caractères d’imprimerie comme le type de papier (papier chiffon) proviennent d’un ouvrage publié vers la fin du XVIIe ou au début du XVIIIe siècle. La réparation du cou de saint Paul ne pouvant être antérieure à  la publication de l’ouvrage, nous pouvons dire que ces travaux ont été menés entre la fin du XVIIe et le XXe siècle.

La face cachée des archanges

La face cachée des archanges

Après avoir déposé le pignon de la Vierge, les restaurateurs se sont attelés à  la dépose des reliefs et ornements de la première grande face. Ces travaux viennent de se terminer et ont permis de mettre au jour la moitié de l’âme en bois ainsi que le revers de deux grands reliefs. Ceux-ci représentent les archanges Séraphin et Chérubin encadrant les apôtres Pierre et Paul.

La mise en forme des personnages est réalisée par la technique du repoussé. L’espace en creux, résultant du façonnage, est ensuite comblé par des masses de renfort. Cette pratique courante permet de consolider les plaques pour limiter les enfoncements en cas de choc ou d’accident. Des analyses réalisées sur les masses de renforts de la châsse de saint Sigismond et ses enfants et sur la Grande châsse de Sion indiquent la présence majoritaire de cire d’abeille et de résine colophane. La coloration rouge-brune témoigne de la présence d’une charge qui, selon les analyses précitées et la littérature, est constituée de brique pillée ou de minium de plomb. Des études similaires sont envisagées pour la Grande châsse de saint Maurice ainsi que des datations au carbone 14 pour affiner nos connaissances sur sa période de fabrication.

 

 

 

 

Et au-dessous, un peu d’or

Et au-dessous, un peu d’or

Des siècles d’oxydation et d’entretien ont consommé, petit à petit, les dorures de la Grande châsse de saint Maurice. De par la superposition de certaines plaques d’argent doré, le démontage a mis au jour de petites surfaces encore intactes. On y retrouve ainsi un aspect plus éclatant, témoin de l’aspect d’origine du reliquaire. Le concepteur de cet objet avait sans doute en tête l’idée de fabriquer un reliquaire brillant, où les effets lumineux de l’argent et de l’or composaient avec l’éclat des nombreuses gemmes en un ensemble coloré. Ainsi, la châsse pouvait-elle évoquer pleinement la Jérusalem céleste.

L’or était appliqué en surface par la technique de dorure au mercure, appelée aussi dorure au feu ou or moulu. Cette technique consiste en l’application d’un mélange pâteux d’or et de mercure formant un amalgame. Cette pâte était brossée sur la surface à dorer puis chauffée, de sorte à ce que le mercure s’évapore en laissant l’or se déposer et se lier avec la surface métallique. Cette technique permettait aussi de réaliser des dorures localisées pour former des décors, comme c’est le cas ci-dessous pour le rinceau floral :

Des clous, encore des clous…

Des clous, encore des clous…

La dépose des nombreuses plaques qui recouvrent la Grande châsse de saint Maurice implique le retrait d’environ 2000 clous en argent. Tous ces clous nécessitent une attention particulière pour éviter de marquer la surface des plaques. Un outillage spécifique a donc été préparé par les conservateurs-restaurateurs, adapté aux différents types de clous et aux différentes surfaces, qu’elles soient décorées, niellées ou dorées.

Chaque clou, patiemment extrait de son emplacement, est ensuite replanté sur un panneau de carton plume imprimé d’une photographie de la châsse à l’échelle. Ce travail rigoureux est essentiel pour assurer un remontage identique, dans le respect de  l’authenticité de la pièce. Chaque clou retrouvera ainsi son logement d’origine pour ne pas altérer l’information historique et technologique. La bonne tenue de l’assemblage est assurée pour deux raisons: d’une part, les trous dans le bois ont tendance à se refermer; de l’autre, les clous pourront être légèrement retravaillés en leur donnant une faible courbure, ce qui facilitera leur accroche lors du remontage. À l’heure actuelle, 350 clous ont été retirés, qui composaient principalement le pignon de la  Vierge.

Une découverte de plus de 300 ans

Une découverte de plus de 300 ans

Il y a un peu moins de 350 ans, le 17 juin 1668, sollicité par l’évêque de Sion Adrien IV de Riedmatten, l’abbé Jean-Jodoc Quartéry procédait en sa présence à l’ouverture de la Grande châsse de saint Maurice. Nous avons conservé deux compte-rendus de cette visite, tous deux rédigés par des témoins de l’événement, le premier  par un chanoine de Sion, Christian Ritteler, le second par l’abbé de Saint-Maurice en personne. A cette époque, on découvre une étiquette de relique, authentifiant les reliques Maurice (ill. 1), ainsi qu’une note rapportant la répartition des reliques du saint entre le duc de Savoie et l’abbaye, advenue à la fin de l’année 1590 (ces deux parchemins sont aujourd’hui conservés aux archives abbatiales, sous les cotes CHN, 64/1/27 et 28 respectivement).

Jean-Jodoc Quartéry compte les ossements présents dans la châsse, qu’il distingue en majeurs et mineurs, indique qu’il a récolté les cendres et les poussières pour les déposer dans une pyxide d’argent qu’il avait lui-même donnée à cet effet (ill. 2), et mentionne enfin des clous. Lors de l’ouverture de la boîte métallique et du sachet de velours retrouvés dans la châsse, Monseigneur Jean Scarcella a pu constater que son prédécesseur de l’époque baroque avait tout juste (ill. 3) !

Deux petits trous

Deux petits trous

Une fois déposé l’ensemble des plaques métalliques qui recouvraient le pignon de la Vierge, celui-ci a révélé la présence de deux orifices circulaires (ill.1).Le premier, situé au sommet de la planche sous le faîte du toit, est obstrué par un bouchon de bois, sans doute de mélèze, et a été percé mécaniquement; le second, dont le bouchon est tombé dans la châsse lors des travaux, occupe, à mi-hauteur sur la gauche, la place d’un noeud dans la planche, mais a très vraisemblablement été agrandi de façon mécanique. Nous ignorons pour l’heure la fonction de ces deux trous. Profitant de cette ouverture, nous avons souhaité regarder ce que contenait la châsse à l’aide d’un endoscope (ill.2).

Cette première intrusion a permis de retrouver un sachet de velours contenant des reliques, connu par ailleurs, et d’identifier la présence d’une boîte en métal (étain ou plomb), qui devrait également contenir des reliques (ill.3). Nous saurons plus tard si cette boîte passe par la petite trappe située sous la châsse; dans le cas contraire, nous aurions peut-être une preuve indirecte de la présence d’une porte plus grande, désormais invisible ou tout simplement condamnée. D’autres observations ont été faites, qui demandent encore une vérification.

Des conditions économiques difficiles

Des conditions économiques difficiles

La dépose du relief de la Vierge et des plaquettes niellées disposées autour d’elle, à la manière d’une auréole, est achevée. L’étude du pignon offre tout un ensemble d’intéressantes observations, qui permettent d’orienter les recherches à venir. Par la découpe et la disposition des plaques d’argent qui couvrent la planche de fond en mélèze, on peut affirmer que l’orfèvre travaille de manière parcimonieuse, utilisant le matériau disponible sans excès ni perte inutiles (photo 1). Par ailleurs, le nombre très impressionnant de trous de clous relevés sur la plaque de la Vierge (une septantaine, alors qu’elle était fixée à l’âme à l’aide de vingt clous seulement), est le signe d’un remploi; cela est confirmé par la première observation des plaquettes niellées ornées d’une inscription qui, mises bout à bout, forment un arc de cercle (photo 2). De plus, une plaquette d’argent ornementale a été découpée pour former deux éléments de décor du trône de la Vierge. Ces indices, à notre sens concomitants, témoignent des conditions économiques difficiles au moment de la création de la Grande châsse de saint Maurice, comme elles l’étaient au début du XIIIe siècle.

Un nouveau mystère

Un nouveau mystère

Au revers de la plaque d’argent de la Vierge, déposée ce jour, les restaurateurs ont trouvé de quoi rendre le mystère de cette châsse encore plus épais: une lettre gravée, suivie d’une chiffre apparemment. Serait-ce la marque laissée par l’orfèvre qui est intervenu sur cette même plaque dans le passé?

Un premier clou en argent!

Un premier clou en argent!

Les travaux de restauration de la Grande châsse de saint Maurice ont débuté ce jour. Denise Witschard, conservatrice-restauratrice du trésor abbatial, accompagnée de son successeur désigné Romain Jeanneret (qu’elle forme à la restauration des objets d’orfèvrerie complexes) a ôté le premier de plus de mille clous qui fixent les plaques d’argent sur l’âme en bois de la châsse. Ce moment solennel s’est déroulé en présence du procureur de l’Abbaye, le chanoine Olivier Roduit, directeur des collections abbatiales, du prieur Roland Jaquenoud, des chanoines Thomas Rödder et Cyrille Rieder, ainsi que du conservateur du trésor Pierre Alain Mariaux et de l’archiviste Germain Hausmann.